Semaine du Shôjo 2024 : « Que préférez-vous dans les shôjo ? »

Cette année encore, Club Shôjo m’a contacté pour parler shôjo durant le rendez-vous annuel de la Semaine du Shôjo. Comme toujours, une thématique a été fixée en amont et je dois me dépatouiller avec… Non, plus sérieusement, merci à Nico pour l’invitation et vous allez découvrir ce qui anime mon petit cœur de lecteur ou de passionné ! Et notamment son histoire autour de 4 figures importantes. Et c’est de ça dont nous allons parler…

L’histoire du shôjo avant les années 70

Entendons nous bien. Je n’ai rien contre les productions adressées à un public féminin qui ont été conçues avant les années 60. Plusieurs artistes comme Osamu Tezuka ont su créé des univers singuliers tels que Princesse Saphir et proposer des personnages des plus attachant. Junichi Nakahara, Yumeji Takehisa, Macoto Takahashi ou encore l’artiste Kashô Takabatake, tous ces hommes et bien plus encore ont été un moteur important pour le succès des productions à destination d’un public féminin. Macoto a par exemple retravaillé la mise en case et a été l’un des premiers à mettre en avant les fleurs et autres artifices bucoliques très art déco qui se retrouvent toujours dans les shôjo manga d’aujourd’hui. Kashô a quand à lui redéfini l’apparence des personnages masculins et a ainsi été essentiel à la création des bishônen qui pullulent dans la BD japonaise. Mais même s’ils sont historiquement important, il est bon de souligner le travail des autrices qui ont su s’émanciper des productions antérieures pour y ajouter leur propre patte artistique. Ainsi, peu à peu, plusieurs femmes mangaka se font un nom et commencent ainsi à se faire un nom. Parmi elles, il est possible d’en retenir au moins deux : Machiko Hasegawa et Hideko Mizuno.

La créatrice de sazae-san

Machiko Hasegawa. Photo prise en 1955.

Véritable pionnière, Machiko Hasegawa est l’une des mangaka les plus connues des années 40. Elle a travaillé pour plusieurs journaux dans lesquels sont parus le comic strip Sazae-san, son œuvre phare. Publié dès 1946 dans le journal local Fukunichi Shinbun, le manga change par la suite de journal et se voit prépublié dans le Asahi Shinbun. Machiko déménage donc vers Tokyo et cela transparait dans les aventures des Sazae qui part elle aussi pour la capitale. Sazae-san suit le quotidien de la famille Isono et met en scène Sazae, sa mère, son père ainsi que son mari dans la vie de tous les jours, notamment l’après-guerre. Le manga s’est terminé en 1974, mais entre temps une adaptation en animé (débuté en 1969) propose encore aujourd’hui de suivre Sazae-san à la télévision, en faisant par la même occasion l’animé le plus long toujours en cours de diffusion. Outre Sazae-san, Machiko Hasegawa a aussi publié Eipuron Obasan ou encore Ijiwaru Basan mais aucune de ses œuvres n’a atteint les frontières de l’Hexagone. Morte en 1992, l’autrice a reçu à titre posthume le Prix d’honneur de la Nation et sa galerie a été transformé en un musée qui lui est dédiée. Si la vie de cette autrice ou de Sazae-san vous intéressent, n’hésitez pas à allez voir la vidéo de Lapeint qui développe davantage le sujet.

Hideko mizuno la méconnue

Jaquette japonaise de Honey Honey no Sutekina Bôken ou Les aventures de Pollen

Outre Machiko Hasegawa, un autre mangaka pionnière est à mettre en lumière ne la personne de Hideko Mizuno. Cette dernière commence sa carrière en tant qu’illustratrice pour le magazine Shôjo Club. Elle n’a alors que 15 ans. Avant cela, elle a passé plusieurs années à participer aux concours du Manga Shônen mais n’a jamais été publiée. Mais c’est en 1955 que son premier manga Akkake kôma voit le jour. Alors que tout le monde pensait qu’il s’agirait d’une histoire sentimentale, Hideko Mizuno expose une histoire style western est y ajoute une héroïne tomboy nous montrant une jeune fille hors des normes sociales de l’époque. Un tel travail peut donc rapprocher cette histoire en un sens des productions faites par Kashô Takabatake des décennies plus tôt avec ses jeunes hommes graciles et sensibles et ses jeunes femmes fortes, voire virile. Et la mangaka va sans cesse explorer de nouvelles choses. Dans les années 60 elle s’essaie à la comédie romantique. C’est au cours de cette décennie qu’un des ses mangas phares, Les aventures de Pollen, est publié et rencontre suffisamment de succès pour avoir droit à une adaptation en animé. Un autre succès arrive avec Fire! qui va être le tout premier manga à proposer des relations sexuelles entres ses personnages, titre qui va permettre à Hideko Mizuno d’obtenir le prix Shôgakukan en 1970 d’ailleurs. L’autrice décide ensuite de se diriger vers le ladies’ comic et de proposer fantasy, SF et autres sujets destinées à un public de femmes adultes. De part son travail, elle a su explorer de nouveaux horizons et à démocratiser les mangas pour adultes à un tout autre niveau.

Les années 70 : le « Groupe de l’an 24 »

Après des décennies à voir le manga shôjo comme l’apache des hommes, certaines autrices ont su trouver leur place et ont permis une nouvelle dynamique de création. Mais ce sont surtout les années 70 qui ont su révolutionner les mangas à destination des filles avec l’arrivée du désormais célèbre « Groupe de l’an 24 ». De plus, le shôjo commence à être délaissé par la critique au profil du shônen bien plus porteur. Et même si des autrices com Hideko Mizuno, Toshiko Ueda ou encore Yoshiko Nishitani ont remis ce manga au goût du jour, il ne se renouvelle pas suffisamment. Arrive alors un groupe de mangaka nées aux alentours de 1949, la 24e année de l’ère Shôwa, qui vont repenser le shôjo. Parmi ces nouvelles autrices Moto Hagio et Keiko Takemiya font figures de leader. Et c’est en 1974 que le renouveau se met véritablement en marche avec la parution de deux manga toujours cultes : La Rose de Versailles de Riyoko Ikeda ainsi que Le Cœur de Thomas de Moto Hagio. Véritables succès critiques, ces titres et ceux qui vont suivre dépoussièrent le shôjo et diversifient son contenu. Histoires sentimentales ou rom com, et bien s’y ajoutent SF, manga historique, fantasy et bien plus encore. De plus, le boys’ love ainsi que le girls’ love débutent aussi à cette même période, renforçant l’importance du « Groupe de l’an 24 » dans l’histoire du shôjo mais surtout du manga en général.

MOto Hagio, mère du BL

Moto Hagio en novembre 2019. Photo prise par ministère de l’Education, de la Culture, du Sport, des Sciences et des Technologies du Japon.

Pour celles et ceux qui ne la connaîtraient pas, voici un bref résumé sur cette grande dame. Moto Hagio est née en 1949,dans la préfecture de Fukuoka. Vivant au sein d’une famille que l’on ne qualifierait pas d’aimante, elle se réfugie rapidement dans les mangas qui sont pour elle une échappatoire. Parmi ses lectures elle a pu lire du Osamu Tezuka comme du Hideko Mizuno et elle est très intéressée par les histoire de jumeaux de Masako Watanabe. Outre les mangas, elle lit également beaucoup de littérature et notamment de littérature étrangère comme Arthur C. Clarke. Sa carrière de mangaka commence alors qu’elle est toujours au lycée. C’est par l’intermédiaire d’une amie et collègue, Makiko Hirata, qu’elle fait ses débuts dans le Nakayoshi en 1969. Mais elle qui désire faire de la SF n’arrive pas à faire valider ses idées et elle est donc contrainte de dessiner des histoires qui sont en adéquation avec les exigences du magazine. Pourtant dans son malheur, elle fait la rencontre de Norie Masuyama, une fille dont elle devient rapidement l’amie et qui va l’initier aux travaux d’Hermann Hesse. C’est a cette même période que Moto Hagio fait la rencontre de Keiko Takemiya sa future amie et collègue et l’autre mère du BL. En 1971, alors qu’elle intègre le Bessatsu Shôjo Comic, elle publie un one-shot pionnier du boys’ love : Le pensionnat de novembre. Ce dernier sera par la suite retravaillé et donnera Le Cœur de Thomas. Et en 1972, elle s’essaie au fantastique avec Le Clan des Poe. Ces deux derniers titres lui permettent d’avoir un peu plus de liberté dans ses créations. C’est ainsi qu’en 1975 elle publie son premier manga de science-fiction : Nous sommes onze !, titre salué par Tezuka lui-même et qui pousse l’autrice à poursuivre dans cette voie. Dans les années 80, elle intègre le Petit Flower est a pour ainsi dire carte blanche dans ses productions. Viol, inceste, parricide, drogue, apocalypse,… tant de thèmes sombres et torturés sont alors abordés dans ses titres Mesh, Zankoku na kami ga shihai suru et autres. Moto Hagio est une véritable icône du shôjo et continue de publier des mangas notamment des histoires en lien avec Le Clan des Poe, son tout premier succès.

Keiko Takemiya, mère du BL

Couverture du premier volume de Kaze to ki no uta

Contrairement à sa comparse qui connaît assez bien Moto Hagio, notamment à la suite du dernier Festival d’Angoulême 2024, Keiko Takemiya l’est bien moins. Cette dernière a commencé sa carrière autour des années 70 et son premier succès a été Sunroom Nite, considéré comme le tout premier shônen-ai de l’histoire, vu qu’il est sorti quelques mois avant Le pensionnat de novembre de son amie Moto Hagio. L’histoire met en avant trois adolescents, Serge Battour, Etoile Rael et Angel Rael et les deux jeunes hommes vont se rapprocher au point qu’Etoile ne tombe amoureux. Cet amour hors norme n’est pas bien vu par les parents et la mère refusent que Serge revienne voir son fils mais il réussit tout de même à s’introduire dans la maison à l’aide d’Angel. Sunroom Nite est un drame qui prend place en France et propose une homo-romance adolescente. Le personnage de Serge sera réutilisé dans une autre histoire de Keiko Takemiya, connue comme pionnière du BL : Kaze to ki no uta qui a eu droit à une adaptation en OAV intitulé Sanctus. Comme le titre précédent, l’histoire prend place en France, au XIXe siècle, et fait donc intervenir Serge Battour, fils d’un aristocrate et d’une gitane ainsi que Gilbert Cocteau. Drame romantique s’étalant sur 17 volumes, ce manga a notamment été influencé par les films Les Amitiés Particulières et Mort à Venise. Outre ces titres, Keiko Takemiya est aussi une autrice très importante pour la SF puisque son œuvre Destination Terra (adaptée en 2007 en animé) fait parti des pionnières du genre. Malgré cela ainsi que ses autres succès ou encore son statut d’autrice culte, un seul manga a su passer les frontières de l’Hexagone. Espérons revoir Keiko Takemiya un jour dans nos rayons manga !

Conclusion :

Rien que ces quatre femmes rendent compte de l’incroyable histoire du shôjo. Il en existe bien d’autres bien sûr et des bien plus récentes comme Ai Yazawa, Mizuho Kusanagi, Natsuki Takaya et bien plus encore ! Sans oublier la pléthore d’autrices et auteurs qui font du BL ou du GL. Mais j’ai choisi de me concentrer sur 4 figures importantes selon moi qui ont su donner leur titre de noblesse aux shôjo de tout temps !


IMAGE À LA UNE :

Bannière promotionnelle de la Semaine du Shôjo 2024 © Club Shôjo. All rights reserved.

LES AUTRES ARTICLES DE LA SEMAINE DU SHôJO :

4 réflexions au sujet de « Semaine du Shôjo 2024 : « Que préférez-vous dans les shôjo ? » »

Laisser un commentaire